Semaine 9 de Budapest à Vukovar en passant par Kopacki rit par Véro et un peu Manu
Semaine 9 de Budapest (Hongrie) à Vukovar (Croatie)
9éme semaine de notre périple d’un an en famille en camping car. Nous suivons le Danube jusqu’à la Mer Noire pour la première partie de notre voyage. Nous partons de Budapest pour suivre de nouveau le Danube jusqu’au parc Kopacki Rit en Croatie.
Lundi 25 septembre – Budapest
Aujourd’hui, nous quittons Budapest. Je repasse par chez Julia récupérer une machine de linge qu’elle avait mis à sécher sur les radiateurs cette nuit. Ça fait bizarre, elle pourrait être la copine chez qui je m’arrête boire un thé après qu’on ait posé les enfants à l’école. J’espère qu’on se reverra. C’est une belle personne, intelligente, sensible, humaine, altruiste.
On décide de monter avec Slowpy sur le Mont Gellert et de marcher jusqu’à la statue de la Liberté pour voir une dernière fois Budapest. La vue panoramique est grandiose. Ciel bleu limpide. L’œil photographie, clic clac, impression dans le cerveau.
Manu réussit ensuite à nous copiloter à travers la ville direction le Sud. Il m’épate avec son GPS. Mon truc, c’est conduire et qu’est-ce que c’est chouette de se sentir une belle équipe ! On trouve le garage spécialisé camping-car que le mari de Julia a contacté pour nous. On y achète la batterie cellule qui va certainement nous sauver d’ici peu. La batterie qu’on a montre des signes de défaillance.
On roule encore pour rejoindre la campagne. J’ai l’impression que le soleil nous nargue. Une semaine qu’on ne l’a pas vu et voilà qu’il brille de tous ses rayons alors qu’on roule.
Arrêt courses dans un LIDL. Je me sens toujours mi-figue mi-raisin en sortant de ce genre de magasin. Certes c’est pratique pour faire le plein de denrées genre pâtes, riz, graines mais ça fait bizarre de retrouver les mêmes choses qu’en France, homogénéisation des goûts et de la consommation. Je me refais une conscience en achetant les fruits et légumes à des petits marchands sur les bords des routes.
Dernier bout de route jusqu’à Szigetùjfalu et nous voilà arrivés à une petite plage paradisiaque pile pour profiter des derniers rayons de soleil et le voir se coucher. Les garçons pêchent et je bouquine. Je crois que ça nous fait tous du bien de retrouver la quiétude de la nature. Les garçons jouent dans le sable, s’inventent des aventures extraordinaires, font des ricochets. C’est génial de voir qu’ils n’ont besoin de rien d’autre que quelques bouts de bois et des cailloux pour s’amuser pendant des heures. On croise un couple de petits vieux qui parlent un peu anglais. On finit la soirée autour d’un petit feu, en savourant le Tokaji, vin blanc hongrois très doux.
Mardi 26 septembre : Szigetùjfalu – Tass
Aujourd’hui, nous retrouvons nos rituels : réveil, gym, petit-déjeuner, classe. Si bien qu’arrive le début d’après-midi et qu’on est toujours là. Nous vivons un dilemme récurrent : rester où on est et buller, profiter, savourer, traîner ou reprendre la route, avancer chaque jour un peu plus vers la mer Noire sachant que l’hiver arrive et que le temps file. L’équilibre est subtil !
Ce jour-là, après avoir mangé sur la plage une dernière fois, on reprend courageusement la route. On est vite récompensés : on se retrouve sur des toutes petites routes dans une zone de marais, bordées de maisonnettes et divers chalets tous les plus mignons les uns que les autres.
Chacun a aménagé là son petit paradis du weekend. Barbecues et pontons pour profiter de la vie !
Et puis à Rackeve, on découvre une église serbe orthodoxe de toute beauté : elle est entièrement peinte à l’intérieur. Les représentations de l’enfer sont surprenantes.
Le bivouac du soir est moins luxueux que la veille mais satisfait les trois pêcheurs. Nous sommes à Tass, dans le hameau de résidences secondaires au bord du Danube. Moi je m’endors pressée d’être au lendemain : on va explorer les environs à vélo !
Mercredi 27 septembre : Tass – Baja
A bicyclette ! On longe un bras du Danube (Rackeve Duna) plus prolétaire : ici pas de petits chalets mais des caravanes et des installations de fortune de bâches et de tôle. Chacun rivalise d’ingéniosité pour aménager son petit coin de paradis pour les weekends de pêche. Dommage que les éboueurs ne passent pas souvent par là, les bennes à ordure débordent. Sur la piste, il vaut mieux ouvrir l’œil : les serpents sont nombreux à traverser : une douzaine en 2h de vélo !!!
On reprend la route l’après-midi.
Mission copeaux de bois pour nos toilettes sèches. On est parti avec un stock de notre menuisier, renfloué chez nos amis autrichiens mais la réserve diminue. On trouve une scierie près de l’aéroport de Kalocsa. Je fais monter à bord la dame qui nous accueille pour lui montrer de quoi on a besoin : elle nous montre un gros tas de copeaux dans lequel on peut se servir à volonté, chic ! Je la remercie avec un petit savon de ma fabrication.
Ensuite, on découvre la ville de Kalocsa, capitale du paprika. Paprika dont on ne voit pas la couleur alors que les cueillettes sont en train de se faire. Mais où est-il ??? L’office de tourisme est déjà fermé. Un brin frustrés, on choisit de continuer la route et quelques kilomètres plus loin, tadaaaam, des kilos de paprika sèchent dans des grands filets suspendus sous les toits des maisons le long de la route. Ils seront ensuite réduits en poudre et incorporés dans tous les plats typiques de la région, plus ou moins épicés. Manu en fera la brûlante expérience.
On se gare pour la nuit à Baja sur l’île Petöfisziget où il y a beaucoup d’installations sportives. On se trouve un petit coin au bord de la Sugovica, après avoir fait le tour de l’île.
Jeudi 28 septembre : Baja – Dunafalva
Ce matin, direction la piscine municipale, on aspire à une bonne douche chaude et savonneuse. Dans l’eau, il a y deux groupes de scolaires. L’un d’eux est avec un maitre-nageur qui a l’air super : Il encourage les élèves, joue avec eux, plonge comme un dauphin. Une fois sa séance finie, il vient nous voir et nous adresse la parole dans un bon français. Robert a travaillé en Corse il y a vingt ans et est allé jusqu’en Bretagne à vélo. Il nous griffonne son adresse sur un bout de papier et nous invite à venir dîner le soir-même en nous disant qu’on peut arriver quand on veut, que sa femme sera là pour nous. On est tout content, nous qui rêvions de rencontrer des gens ! L’après-midi passe vite. On goûte aux langos, sorte de beignets salés tartinés de crème au paprika. Je donne ce que je crois être une rondelle de poivron à Manu qui le croque et passe instantanément au cramoisi, outch !
A la boutique d’à côté, on investit dans un chaudron avec son trépied. C’est un instrument local typique. Les gens mettent ça sur le feu dehors. Ça nous intrigue et nous attire. Par chance, Noé et moi découvrons le même jour dans un éco parc la recette : ça sert à préparer une soupe de poisson au paprika, le « fîs paprika ». Dans le même magasin, les gars se prennent quelques affaires de pêche.
Pendant que je me balade avec Noé, Manu rajoute une petite déco à Slowpy pour essayer de stimuler les rencontres : le logo d’une machine à laver et d’une douche !
Il est l’heure de filer chez Robert. La route qui mène chez lui à Dunafalva est magnifique, entre forêt et Danube.
Sa femme, Sylvia, nous accueille et nous indique de faire entrer Slowpy dans leur jardin. On se comprend dans un mélange d’anglais et d’allemand. Elle présente une portée de chatons aux garçons qui restent collés à eux toute la soirée !
Robert arrive quand nous sommes déjà à table. Ils sont végétariens depuis trois ans, on savoure la bonne sauce tomate maison, les lentilles et le riz. Robert sort de son deuxième travail. Quand il a fini à la piscine, il va travailler comme éducateur dans un foyer pour adolescents handicapés. Comme beaucoup de Hongrois, il cumule deux emplois pour subvenir aux besoins de la famille. Ils ont trois enfants, l’aînée étudie à Budapest, la seconde est au lycée et le troisième au collège. Sylvia travaille dans une crèche. Robert perd son sourire quand, les dents serrées, il évoque la montée du nationalisme et l’appauvrissement de la population. C’est raide d’aller se coucher en pensant que le voyage jusque chez nous est hors de leur portée financière.
Vendredi 29 septembre : Donafalva (Hongrie) – Kopacki rit (Croatie)
On se réveille dans le jardin de Sylvia et Robert. Ils nous ont laissé la clé de la maison. Ils la laissent toujours sur la porte de toute façon. Eux sont partis tôt au travail. Hier soir, ils nous ont donné des bonnes pommes de leur jardin, des poires et des confitures aussi. Joseph et Noé profitent encore un peu des chatons. On laisse sur la table de la cuisine un petit mot pour leur dire notre gratitude.
Nous revoilà sur la route, le cœur plein d’émotions, direction la Serbie et la Croatie. Eh oui, aujourd’hui, nous passons deux frontières !
Nous pourrions rester en Serbie, sur la rive gauche du Danube mais ça nous priverait d’une région tout au Nord de la Croatie, la Slavonie, dans laquelle j’ai repéré un Parc Naturel : Kopacki Rit. On s’arrête dans une épicerie dépenser nos derniers Forints hongrois. Les garçons ont eu leur première boîte de claque-doigts, ils sont tout foufous. On rencontre des Suisses et des Autrichiens installés là pour vivre plus à l’aise avec leur maigre retraite. L’aspiration à mieux vivre est universelle !
[commentaire de Manu] Il y a aussi une migration des pays les plus développés économiquement vers les moins développés : celle des retraités aux petites pensions… Les retraités vont là où c’est bon marché et les actifs vont là où il y a du travail… [fin du commentaire].
La frontière hongroise est hérissée d’une triple rangée de barbelés qui fait froid dans le dos. L’entrée en Serbie impressionne les garçons : le douanier entre dans Slowpy, ils sont presque au garde-à-vous ! Nos passeports nous reviennent tamponnés. C’est étrange pour nous quarantenaires européens de vivre le contrôle, la frontière, la douane. On avait presque oublié que ça existe. Ressentir un instant le stress de celui qui demande à entrer mais bien protégés par nos passeports français. Deuxième contrôle à l’entrée en Croatie. On file à Osijek visiter la citadelle (construite par les Habsbourg et épargnée par la guerre) et retirer des kunas à la banque, nouvelle occasion de faire des maths pratiques avec les garçons ! On remarque les traces de la guerre de 1991 : il reste des murs criblés de traces de balles, ça refroidit.
On arrive dans le Parc naturel à la fin du jour et on a la chance de faire une belle balade aménagée sur des pontons au-dessus du marais. Des milliers d’oiseaux migrateurs passent par là, nous espérons en voir ! Le crépuscule est sonore ici : on a droit à un concert d’oiseaux et de grenouilles impressionnant sur le lac Sakadas.
Toujours curieux de cette recette de cuisine au chaudron, on pousse la porte de l’auberge du Cormoran. La préparation est assez longue mais ça en vaut la chandelle ! On nous sert un succulent bouillon de paprika dans lequel ont cuit des morceaux de carpe et de brochet, accompagné de pâtes fraîches maison qu’on ajoute dans l’assiette. Les garçons ont opté pour de la carpe panée. Je redoutais un vieux goût de vase mais non, c’est vraiment fin.
Dans la salle, il y aussi une tablée de gaillards truculents. On pouffe de rire en les voyant se nouer autour du cou une sorte de grand bavoir rose avant d’attaquer la marmite de soupe. Par-dessus ça, ils ingurgitent un plat gargantuesque de poissons, à une vitesse redoutable. Puis ils prennent leurs instruments de musique, s’accordent et partent jouer dans une autre salle.
On irait bien les rejoindre mais le serveur nous explique que c’est une soirée privée. Leur musique semble nostalgique, on imagine qu’elle raconte l’amour du pays, les souvenirs, les amours passés. On rentre se coucher et on s’endort en les écoutant de loin. Le patron nous a autorisés à rester sur son parking pour la nuit.
Samedi 30 septembre : parc Kopacki Rit
On fait un petit bout de route pour commencer un peu plus loin une balade à vélo.
[Commentaire de Manu] Lors de la balade, je casse ma chaîne de vélo et on perd le saucisson ! Pause obligatoire, heureusement j’ai le matériel pour réparer ma chaîne et en revenant vers l’eau pour me laver les mains, je retrouve le saucisson ! Plus tard, je me trompe sur la carte et on se retrouve sur un chemin difficilement praticable, l’heure avance et l’angoisse monte. Heureusement, on s’en aperçoit et on fait demi-tour à temps. [fin du commentaire]
Dans un champ, on découvre émerveillés une colonie d’oies sauvages. Elles sont des milliers à prendre une pause sur leur longue route vers l’Afrique. Dans la journée, nous aurons aussi la chance de voir des aigles. Je savoure toute la journée le soleil radieux. Manu, lui, s’éclate avec son appareil photo. Le soir venu, les hommes partent à la pêche. Nos p’tits gars se débrouillent de mieux en mieux. Pendant ce temps, je savoure le silence en préparant quelques travaux scolaires.
En se couchant, on pense aux mines : le guide recommande de ne pas s’éloigner des chemins balisés car il reste encore des mines dans les forêts depuis la guerre. L’horreur de la guerre paraît irréelle : comment tout cela est-il possible ?? En tout cas, on est sagement resté sur les pistes. Les garçons se souvenaient très bien de l’exposition sur les mines du ballon des Vosges…
Dimanche 1er octobre : Kopacki rit – Ilok
D’abord, un peu d’école. On essaie de se caler sur le rythme des copains. Les maîtresses des garçons nous envoient régulièrement des mails pour nous dire où elles en sont et partager leurs documents. Ce temps qu’elles prennent pour les enfants nous touche ! En voyage, il y a maths les lundis et mardis, français les mercredis et jeudis et tout le reste les autres jours. Mais en réalité, tout se rencontre et interfère au quotidien. Les apprentissages sont très concrets. Bon, avec le beau temps, les visites, les rencontres, la route etc, lundi devient vite mercredi ! Objectif ; avoir fait le travail de la semaine quand le dimanche arrive !
Ensuite, on quitte le Parc. Un dernier serpent sur la route, ça faisait longtemps ! Je crois que j’en ai vu plus en deux semaines qu’en 20 ans !! Quand j’arrive à les repérer à l’avance, ça va, j’arrive à les observer, les photographier pour ensuite chercher dans nos livres. Mais bon sang, qu’est-ce que je n’aime pas quand ils déboulent dans mes pieds sans prévenir !!! Je sens alors l’appréhension prendre le dessus… C’est mon papa qui serait heureux ici, lui il adore les reptiles !
Nous voilà arrivés à Vukovar. On sait que c’est là que les habitants ont le plus longtemps résisté quand la guerre a éclaté en 91 mais on prend l’horreur de la guerre en pleine tête quand même. J’ai des souvenir d’avoir vu ça aux infos quand j’étais petite, un certain Milosevic, les charniers. C’était loin mais je ne comprenais pas tous ces massacres. On visite le mémorial d’Ovcara. Il y a aussi le château d’eau, bombardé mais toujours debout, fantôme de l’atrocité.
On fuit jusqu’à Ilok pour la nuit. On ne se voyait pas dormir à Vukovar. La mort transpire encore.
[Commentaire de Manu]La visite de cette région me rappelle que quand j’étais étudiant, la guerre d’ex-Yougoslavie était un sujet important dans le milieu militant. Certains y voyaient une guerre d’Espagne bis et concevaient cette guerre comme des Républicains et des Démocrates contre des Fascistes et soutenaient qu’il fallait s’enrôler ou soutenir les brigades internationales contre Milosevic. A l’époque, mes lectures et mes positions étaient résolument pacifistes, antimilitaristes et je voyais surtout dans ce conflit des forces nationalistes qui s’affrontaient et de ce point de vue toute prise de position exigeait une précaution intellectuelle, en tout cas la transposition de la grille de lecture de la guerre d’Espagne me paraissait erronée.
Lors de la visite du mémorial d’Ovcara, je suis tombé sur un extrait de naissance en français. Il s’agissait de celui de Jean-Michel Nicollier. Un français qui se trouvait dans l’hôpital de Vukovar quand les Serbes ont pris la ville et ont emmené tous les blessés de l’hôpital dans des hangars agricoles à Ovcara, transformés en camp de concentration. Là, les soldats serbes ont torturé et tué quasiment tous les prisonniers, parmi lesquels Jean Michel Nicollier. Le corps de Jean-Michel n’a pas été retrouvé mais il est attesté qu’il était dans l’hôpital. L’histoire de Jean Michel n’est pas celui d’un nationaliste ou un gauchiste rêvant de sa guerre contre le fascisme ou le communisme. C’est l’histoire d’un jeune parti soutenir un peuple voulant son indépendance. Son cas est certainement singulier dans cette guerre. Je ne connaissais pas cette histoire et c’est au mémorial d’Ovcara que je l’ai découverte. J’ai fait des petites recherches par la suite sur les volontaires étrangers dans la guerre d’ex-yougoslavie.
Pourquoi l’ex-fédération de Yougoslavie n’a pas pu demeurer une fédération en opérant une mutation démocratique ? C’est pourtant ce qu’il semblait être la voie la plus sage, le nationalisme porte le germe de la guerre en lui… Espérons que l’Europe soit un jour l’espace historique de réconciliation. [fin du commentaire]
Je decouvre votre blog, votre style, j’aime bcp.
Je ne connais pas ces pays, d’ou ma curiosité.
Vous faites quoi comme gymw. Et le signe douche et ll ca marche? C’est une chouette idee en tous cas 👍
Bonjour la ptite famille,
Une brêve rencontre d’auvergnats à Donauschingen, nous sur la fin et vous sur le début du voyage, une soirée rapide entremêlée de cris d’enfants et de premiers « bilans » de la vie itinérante en famille… finalement on a pas eu le temps de faire connaissance et d’échanger en profondeur alors nous nous rattrapons en suivant vos aventures sur votre blog! Quel plaisir de vous lire : chaque fois plein d’émotions diverses et de nouvelles questions, envies, doutes, certitudes qui apparaissent en écho avec notre propre expérience du voyage. Vous êtes riches, pleins et beaux!