Croatie

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10 Nov

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La Croatie en 5 actes

Acte 1 : le Nord de la Croatie en septembre

Vendredi 29 septembre : Donafalva (Hongrie) – Kopacki rit (Croatie)

On se réveille dans le jardin de Sylvia et Robert. Ils nous ont laissé la clé de la maison. Ils la laissent toujours sur la porte de toute façon. Eux sont partis tôt au travail. Hier soir, ils nous ont donné des bonnes pommes de leur jardin, des poires et des confitures aussi. Joseph et Noé profitent encore un peu des chatons. On laisse sur la table de la cuisine un petit mot pour leur dire notre gratitude.

Nous revoilà sur la route, le cœur plein d’émotions, direction la Serbie et la Croatie. Eh oui, aujourd’hui, nous passons deux frontières !

Nous pourrions rester en Serbie, sur la rive gauche du Danube mais ça nous priverait d’une région tout au Nord de la Croatie, la Slavonie, dans laquelle j’ai repéré un Parc Naturel : Kopacki Rit. On s’arrête dans une épicerie dépenser nos derniers Forints hongrois. Les garçons ont eu leur première boîte de claque-doigts, ils sont tout foufous. On rencontre des Suisses et des Autrichiens installés là pour vivre plus à l’aise avec leur maigre retraite. L’aspiration à mieux vivre est universelle !

[commentaire de Manu] Il y a aussi une migration des pays les plus développés économiquement vers les moins développés : celle des retraités aux petites pensions… Les retraités vont là où c’est bon marché et les actifs vont là où il y a du travail… [fin du commentaire].

La frontière hongroise est hérissée d’une triple rangée de barbelés qui fait froid dans le dos. L’entrée en Serbie impressionne les garçons : le douanier entre dans Slowpy, ils sont presque au garde-à-vous ! Nos passeports nous reviennent tamponnés. C’est étrange pour nous quarantenaires européens de vivre le contrôle, la frontière, la douane. On avait presque oublié que ça existe. Ressentir un instant le stress de celui qui demande à entrer mais bien protégés par nos passeports français. Deuxième contrôle à l’entrée en Croatie. On file à Osijek visiter la citadelle (construite par les Habsbourg et épargnée par la guerre) et retirer des kunas à la banque, nouvelle occasion de faire des maths pratiques avec les garçons ! On remarque les traces de la guerre de 1991 : il reste des murs criblés de traces de balles, ça refroidit.

On arrive dans le Parc naturel à la fin du jour et on a la chance de faire une belle balade aménagée sur des pontons au-dessus du marais. Des milliers d’oiseaux migrateurs passent par là, nous espérons en voir ! Le crépuscule est sonore ici : on a droit à un concert d’oiseaux et de grenouilles impressionnant sur le lac Sakadas.

Kopacki rit

Toujours curieux de cette recette de cuisine au chaudron, on pousse la porte de l’auberge du Cormoran. La préparation est assez longue mais ça en vaut la chandelle ! On nous sert un succulent bouillon de paprika dans lequel ont cuit des morceaux de carpe et de brochet, accompagné de pâtes fraîches maison qu’on ajoute dans l’assiette. Les garçons ont opté pour de la carpe panée. Je redoutais un vieux goût de vase mais non, c’est vraiment fin.

Dans la salle, il y aussi une tablée de gaillards truculents. On pouffe de rire en les voyant se nouer autour du cou une sorte de grand bavoir rose avant d’attaquer la marmite de soupe. Par-dessus ça, ils ingurgitent un plat gargantuesque de poissons, à une vitesse redoutable. Puis ils prennent leurs instruments de musique, s’accordent et partent jouer dans une autre salle.

On irait bien les rejoindre mais le serveur nous explique que c’est une soirée privée. Leur musique semble nostalgique, on imagine qu’elle raconte l’amour du pays, les souvenirs, les amours passés. On rentre se coucher et on s’endort en les écoutant de loin. Le patron nous a autorisés à rester sur son parking pour la nuit.

Samedi 30 septembre : parc Kopacki Rit

On fait un petit bout de route pour commencer un peu plus loin une balade à vélo.

[Commentaire de Manu] Lors de la balade, je casse ma chaîne de vélo et on perd le saucisson ! Pause obligatoire, heureusement j’ai le matériel pour réparer ma chaîne et en revenant vers l’eau pour me laver les mains, je retrouve le saucisson ! Plus tard, je me trompe sur la carte et on se retrouve sur un chemin difficilement praticable, l’heure avance et l’angoisse monte. Heureusement, on s’en aperçoit et on fait demi-tour à temps. [fin du commentaire]

Kopacki

Dans un champ, on découvre émerveillés une colonie d’oies sauvages. Elles sont des milliers à prendre une pause sur leur longue route vers l’Afrique. Dans la journée, nous aurons aussi la chance de voir des aigles. Je savoure toute la journée le soleil radieux. Manu, lui, s’éclate avec son appareil photo. Le soir venu, les hommes partent à la pêche. Nos p’tits gars se débrouillent de mieux en mieux. Pendant ce temps, je savoure le silence en préparant quelques travaux scolaires.

Kopacki rit

En se couchant, on pense aux mines : le guide recommande de ne pas s’éloigner des chemins balisés car il reste encore des mines dans les forêts depuis la guerre. L’horreur de la guerre paraît irréelle : comment tout cela est-il possible ?? En tout cas, on est sagement resté sur les pistes. Les garçons se souvenaient très bien de l’exposition sur les mines du ballon des Vosges…

kopacki

Dimanche 1er octobre : Kopacki rit – Ilok

D’abord, un peu d’école. On essaie de se caler sur le rythme des copains. Les maîtresses des garçons nous envoient régulièrement des mails pour nous dire où elles en sont et partager leurs documents. Ce temps qu’elles prennent pour les enfants nous touche ! En voyage, il y a maths les lundis et mardis, français les mercredis et jeudis et tout le reste les autres jours. Mais en réalité, tout se rencontre et interfère au quotidien. Les apprentissages sont très concrets. Bon, avec le beau temps, les visites, les rencontres, la route etc, lundi devient vite mercredi ! Objectif ; avoir fait le travail de la semaine quand le dimanche arrive !

Kopacki rit

Ensuite, on quitte le Parc. Un dernier serpent sur la route, ça faisait longtemps ! Je crois que j’en ai vu plus en deux semaines qu’en 20 ans !! Quand j’arrive à les repérer à l’avance, ça va, j’arrive à les observer, les photographier pour ensuite chercher dans nos livres. Mais bon sang, qu’est-ce que je n’aime pas quand ils déboulent dans mes pieds sans prévenir !!! Je sens alors l’appréhension prendre le dessus… C’est mon papa qui serait heureux ici, lui il adore les reptiles !

Nous voilà arrivés à Vukovar. On sait que c’est là que les habitants ont le plus longtemps résisté quand la guerre a éclaté en 91 mais on prend l’horreur de la guerre en pleine tête quand même. J’ai des souvenir d’avoir vu ça aux infos quand j’étais petite, un certain Milosevic, les charniers. C’était loin mais je ne comprenais pas tous ces massacres. On visite le mémorial d’Ovcara. Il y a aussi le château d’eau, bombardé mais toujours debout, fantôme de l’atrocité.

Vukovar

Vukovar

On fuit jusqu’à Ilok pour la nuit. On ne se voyait pas dormir à Vukovar. La mort transpire encore.

[Commentaire de Manu]La visite de cette région me rappelle que quand j’étais étudiant, la guerre d’ex-Yougoslavie était un sujet important dans le milieu militant. Certains y voyaient une guerre d’Espagne bis et concevaient cette guerre comme des Républicains et des Démocrates contre des Fascistes et soutenaient qu’il fallait s’enrôler ou soutenir les brigades internationales contre Milosevic. A l’époque, mes lectures et mes positions étaient résolument pacifistes, antimilitaristes et je voyais surtout dans ce conflit des forces nationalistes qui s’affrontaient et de ce point de vue toute prise de position exigeait une précaution intellectuelle, en tout cas la transposition de la grille de lecture de la guerre d’Espagne me paraissait erronée.

Lors de la visite du mémorial d’Ovcara, je suis tombé sur un extrait de naissance en français. Il s’agissait de celui de Jean-Michel Nicollier. Un français qui se trouvait dans l’hôpital de Vukovar quand les Serbes ont pris la ville et ont emmené tous les blessés de l’hôpital dans des hangars agricoles à Ovcara, transformés en camp de concentration. Là, les soldats serbes ont torturé et tué quasiment tous les prisonniers, parmi lesquels Jean Michel Nicollier. Le corps de Jean-Michel n’a pas été retrouvé mais il est attesté qu’il était dans l’hôpital. L’histoire de Jean Michel n’est pas celui d’un nationaliste ou un gauchiste rêvant de sa guerre contre le fascisme ou le communisme. C’est l’histoire d’un jeune parti soutenir un peuple voulant son indépendance. Son cas est certainement singulier dans cette guerre. Je ne connaissais pas cette histoire et c’est au mémorial d’Ovcara que je l’ai découverte. J’ai fait des petites recherches par la suite sur les volontaires étrangers dans la guerre d’ex-yougoslavie.

Pourquoi l’ex-fédération de Yougoslavie n’a pas pu demeurer une fédération en opérant une mutation démocratique ? C’est pourtant ce qu’il semblait être la voie la plus sage, le nationalisme porte le germe de la guerre en lui… Espérons que l’Europe soit un jour l’espace historique de réconciliation. [fin du commentaire]

Acte 2 : Un anniversaire à Dubrovnik

Le 11 avril, on se réveille dans la baie de Kotor au Monténégro. C’est l’anniversaire de Manu aujourd’hui. J’avais envisagé de célébrer ça autour d’une bonne table mais la table en question suggérée par des des copains s’avère hors de portée de notre bourse. On cherche le plan B… On en a assez de la baie de Kotor. Allez, c’est décidé, on va passer la frontière et entrer en Croatie pour visiter Dubrovnik puis revenir au Monténégro. On hésite un peu : cette ville est considérée comme le joyau de l’Adriatique, elle est classée au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO et cela en fait aussi une destination étouffée par le tourisme de masse. Tout de même, être si près et l’éviter… On choisit d’y arriver par une petite route. Pas de chance ce poste frontière est fermé. On se rabat sur l’itinéraire principal. Plus on se rapproche, plus les panneaux pour des complexes hôteliers et villas de luxe se multiplient.

A Dubrovnik, fidèles à nous-mêmes, on cherche le bon plan bivouac repéré sur maps.me. Tout se révèle payant et affreusement cher. On se fait virer de partout et sans pincettes. L’accueil, l’hospitalité et l’amabilité des locaux semble avoir été déjà consommés par des années de développement touristique extrême. Porte-monnaies garnis welcome sinon dégagez ! Au moment où je rumine que soit on trouve une place libre et gratuite illico, soit on va voir ailleurs si les gens ont retrouvé leur cœur, une place idéalement située juste au-dessus de la cité fortifiée s’offre à nous ! On part se balader dans les remparts au soleil couchant. On descend un nombre incalculable de marches qui promet de bien tirer sur les mollets au retour.

dubrovnikVisite de la ville. Ce n’est pas ici qu’on se régalera au restaurant. Le moindre sandwich semble être garni de pépites vu les tarifs affichés. Alors on remonte à notre bon vieux Slowpy. On admire le panorama nocturne sur la vieille ville illuminée. dubrovnikOn grignote et on ouvre la boîte que les copains ont offert a Manu en cas de mal de pays. On n’a pas le mal de pays mais un brin de douceur dans ce monde de brute est le bienvenu. Surtout ça sert de cadeau d’anniversaire !  On trouve une fiole d’air d’Auvergne, du chocolat, des petites pierres de pouzzolanes, une moustache bleu-blanc-rouge, … On a bien rigolé ! Merci les copains ! Pour finir cette drôle de journée, on se met sous la couette pour un cinéma en famille : Lalaland au programme ! Cette comédie musicale romantique plait beaucoup aux garçons! dubrovnik

Le lendemain matin, un ronchonchon tape aux carreaux à 9h pour nous dire de dégager sous 5mn sinon il appelle la police. Bonjour monsieur, on s’en moque, on allait partir !

On s’arrête dans un LIDL où on trouve un camembert fondant à souhait, une baguette industrielle et un bon vin rouge, sacro-saint trio de Français! 

Allez zou, on roule, on roule, on roule jusqu’à un havre de paix montenegrin: le lac Slano.

Ce chapitre croate nous laisse un goût amer. On avait beaucoup aimé le Nord mais si le reste de la Croatie est aussi hospitalier, on va peut être zapper et modifier notre itinéraire!!

Toutes les photos de Dubrovnik

Acte 3 : Un tour en voilier …

Après presque trois semaine à visiter le reste du Monténégro et une partie de la Bosnie, on choisit de refaire un essai en Croatie. De toute façon, on a rendez-vous le samedi 5 mai à Zadar avec nos amis Jean-Marie et Nadine qui habitent chez nous, pour une semaine en voilier! Cette fois-ci ce sont les Parcs nationaux qui nous attirent, leurs cascades et eaux bleutées. Le budget pique un peu (et c’est pourtant beaucoup moins cher qu’en été). On craint aussi de retrouver la foule. On passe la frontière de la Bosnie de bonne heure pour filer au parc de Krka. Les parkings sont immenses et payants. Pas de plan B comme en Bosnie. On rentre dans le moule… On descend jusqu’à la rivière en bus, sentiment d’être un parisien dans le métro… Heureusement, on tombe illico sous le charme des eaux bleutées, des pontons de bois d’une cascade à une autre. On observe les grenouilles et les poissons et dès qu’on s’éloigne un peu de l’entrée, la masse de visiteurs s’éparpille. Le point d’orgue de la visite est une gigantesque cascade. C’est effectivement magnifique mais on est choqués par une affreuse ligne d’eau qui interdit aux baigneurs de s’approcher de trop près de la cascade. krkaD’ailleurs on a lu que la baignade est interdite pour cause de période sensible de reproduction des poissons. Interdiction largement bafouée puisqu’on se croirait à la plage. Amertume de constater qu’un Parc Naturel peut avoir des allures de Disneyland…

La recherche d’un bivouac libre va pimenter notre soirée. On s’éloigne des limites du Parc Naturel vu que le bivouac y est interdit et l’amende salée pour ceux qui essaient quand même. On se réfugie derrière un vieux cimetière serbe qui a l’air abandonné, à l’écart d’un village, avec plus de déchets plastiques que de fleurs. Au moment où je fais revenir un succulent risotto à la tomate, je vois débarquer un type aux épaules de bûcheron et à la mine patibulaire: il nous grogne de dégager vite fait parce qu’on ne respecte pas leurs morts… Oups… Pas gagné le bivouac sauvage en Croatie… On finit à la tombée de la nuit sur un plateau semi-désertique, calés entre des buissons épineux. 

Jeudi 3 mai 

Dans la matinée, une famille de voyageurs nous contacte, les Here We Are : Audrey, Bastien et leurs deux enfants, Liam et Daphné qui ont tout larguer pour devenir nomade sans date de retour. here we areOn se donne rendez-vous dans un petit camping. On a notre dose de bivouac/cache-cache… Un bruit bizarre nous arrête: c’est une pierre coincée entre deux roues. C’est la deuxième fois du voyage que ça nous arrive. Manu s’attaque à la déloger à coups de marteaux mais elle résiste. Plusieurs voitures passent, l’habitant de la maison d’a côté aussi mais personne ne s’arrête, sympa… Après une lutte acharnée, Manu réussit à déloger la pierre… Ouf, pas de dégât sur les pneus… Les enfants sont bien contents de se trouver des copains et nous on ne voit pas passer les heures à se raconter nos vies, à boire et manger les succulentes pâtes de Bastien, le gâteau au chocolat, fleurs d’acacia et poires… La nuit a même été très courte pour certains…. La pluie diluvienne n’aura pas douché notre joie d’être ensemble !

Vendredi 4 mai  Arrivée à Sukosan

On se quitte après la photo rituelle et encore quelques heures de jeu pour les enfants. Nous on a rendez-vous avec Jean-Marie et Nadine qui arrivent droit de chez nous pour une semaine de voilier ensemble. On s’arrête faire quelques achats à Décathlon. Ça file le blues ces zones commerciales impersonnelles et similaires dans tous les pays… Manu ressort avec le matériel de pêche dont il avait envie pour nous nourrir cette semaine en mer.

On arrive vite à la marina de Zadar, à Sukosan, où se trouve notre loueur de bateau. On se balade et on a du mal à réaliser que nous allons vraiment embarquer sur un de ces bateaux. On en voit des très luxueux et l’enthousiasme des garçons est un peu moindre quand on trouve les petits voiliers de 8m sans minibar et terrasse… Moi je suis émerveillée et excitée, cette expérience est inédite dans nos vies. Petit noeud au ventre aussi : Jean-Marie est la seule personne compétente en voile de notre fine équipe !! On prépare nos affaires pour le lendemain comme on préparerait des bagages pour partir en vacances, un comble pour des gens comme nous qui sont en très grandes vacances d’un an ! 

De samedi 5 à vendredi 11

Les copains sont arrivés dans la nuit et on peut les serrer dans nos bras au réveil ! C’est complètement surréaliste de les voir là en chair et en os ! Ils ont roulé 12h. Nous sommes à 12h de la maison mais cette route et les détours va nous prendre 2 mois… On partage le petit-déjeuner dans Slowpy, notre chez-nous désormais et ils nous parlent de la maison, notre ancien chez-nous devenu chez eux. Entendre parler des poules, du chat, du menuisier venu changer une porte, des voisins, des copains, ça fait un sacré méli-mélo dans nos têtes et nos coeurs. Bon on n’a pas trop le temps de réfléchir avec le petit déménagement qui se prépare ! On embarque les victuailles dont le sacro-saint Saint Nectaire, le vin, le saucisson et les terrines dont Jean-Marie a toujours su nous régaler avec talent. Nadine a aussi porté les doudous qui manquaient à Noé, des livres sélectionnés par papi et mamie, une robe et une jupe pour moi… Le bateau nous parait immense: on a une cabine d’amoureux et les enfants leur cabine! Le bateau s’appelle Suzac, comme la maison à la mer des grands-parents de Manu, clin d’oeil émouvant . On est aussi excités que les enfants. Jean-Marie assure la prise en main du voilier avec le loueur. Puis vient le moment du départ ! Fébrilement, on largue les amarres, en vrai de vrai. Jean-Marie donne les ordres. Il va falloir qu’il soit patient celui-ci avec une fine équipe comme nous 😉 La marina s’éloigne déjà. J’aime déjà le vent, le bleu, l’eau à perte de vue. Soirée de rêve au soleil couchant: on a trouvé un mouillage sauvage dans le Parc Naturel des Kornatis. Je réalise qu’en bateau, tu ne peux pas tirer le frein à a main et te garer où ça te chante quand ça te chante. C’est le bonheur d’être là, ensemble: Champagne! Il y a des bulles qu’on n’oublie pas dans la vie !

Il m’aura fallu presque deux jours pour apprivoiser un léger mal de mer, vomir une fois et accepter d’être toujours sur le pont sous peine de verdir en moins de 5minutes… Je fais plein de petites siestes aussi, remède au relâchement des mois de conduite de Slowpy et grand air sans doute. Noé suit le même traitement car il semble avoir la même tendance que moi à nourrir les poissons avec le contenu de son estomac. Manu et Joseph n’ont eux aucun problème à rester dans la cale pour lire et écrire , impressionnant ! 

La semaine à bord est faite de mille et un petit bonheurs: toutes les baignades dans les eaux turquoises en observant les poissons, apprendre à barrer, y prendre goût et adorer quand il faut tenir fermement la barre et que le bateau penche très fort, se sentir ainsi libre et puissant, voir des dauphins, comprendre petit à petit quelque gestes techniques, rire du vocabulaire et des ordres du capitaine, déconnecter de tout, s’émouvoir de la beauté des paysages, îles, couleurs de mer et de ciel, faire des photos, mouiller dans des criques sauvages, respirer les odeurs de pin venues des îles, pêcher enfin un petit maquereau après des jours de pêche infructueuse, sentir le vent et le soleil toute la journée, voir les enfants s’adapter au voilier comme à tout, naturellement et facilement… Nous fêtons nos 5 ans de mariage et savourons avec émotion notre bonheur d’être ensemble, amoureux, fiers d’inventer chaque jour une vie qui nous plait, renforcés par les épreuves qu’il a parfois fallu franchir. On se regarde dans les yeux en écoutant notre chanson culte, on fait des photos rigolotes…

Dans cette semaine de voile en liberté, on fait une escale au port de Zadar pour une nuit. On profite de la douche chaude même si les parois tanguent dangereusement: voilà qu’on a le mal de terre maintenant !! On est séduits par Zadar : mélange d’art vénitien et austro-hongrois, très beau parc et front de mer avec des orgues marines originales. On savoure également de bons plats dans un restaurant au service attentionné. 

Les photos de la semaine de voilier

Samedi 12 jusqu’à Plitvice

On a rendu le bateau. Les copains sont partis tôt. On est bien déboussolés. Il pleut. Pour Joseph, c’est particulièrement frustrant de savoir qu’eux vont être à la maison le soir-même et pas nous. Il va se trainer pendant deux jours un gros cafard et crier plusieurs fois qu’il en a marre de ce voyage ! On écoute et on le fait réfléchir à des solutions pour vivre au mieux cette fin de voyage qu’on va poursuivre encore deux mois. La piste qui émerge est qu’il soit maître en recherche des bons restaurants sur notre route ! Il plonge ainsi dans nos guides de Croatie, Slovenie et Italie.

On se cale pour la nuit au bord d’une piste près du Parc National de Plitvice. Couchés comme les poules pour se lever tôt le lendemain et espérer découvrir Plitvice avant la foule.

Dimanche 13 Plitvice 

Mon premier regard sur les cascades de Plitvice m’évoque un jardin d’Eden. Végétation luxuriante, eaux bleutées, petites brumes… On passe une très belle journée à photographier les poissons et les cascades, pique-niquer au milieu des petites fleurs, mousses et ruisseaux, marcher encore et encore. La foule est dense près des entrées de parc mais comme toujours, on se retrouve au calme dès qu’on s’éloigne un peu. 

krka

On termine la journée à Slunj, petit village où maisons et cascades se mêlent harmonieusement. Ici le bivouac semble toléré, parfait ! Manu nous régale de bonne crêpes aux fleurs d’acacia.

Acte 4 : Croatie de l’intérieur

Lundi 14 Slunj

On est très slow en ce matin humide. Je sors marcher seule en quête d’une poste et je tombe sous le charme de ce petit village où l’eau est omniprésente. Un peu plus tard, on ressort tous les quatre. C’est très photogénique ici!

La pluie revient. On hésite: filer à Zagreb où rester encore ici. On est mous aujourd’hui et la nuit ne va pas tarder… Il faut de toute façon bouger pour faire le plein d’eau. Cette quête se transforme en séance de sport intense. Le robinet trouvé est tout en bas d’une côte bien raide! Quand j’arrive en haut, je tombe sur des jeunes baroudeurs en camion qui cherchent un bivouac. Du coup, on leur propose notre coin et on y passe la soirée ensemble ! Glawdys est travailleur social et a une gouaille d’enfer, on se marre bien avec elle. Et puis débarque Julie, trempée jusqu’aux os car elle voyage à pied et en stop. Elle fait beaucoup de woofing alors c’est chouette d’écouter ses expériences pendant que ses affaires sèchent à l’avant de Slowpy. Cette femme m’épate !

Mardi 15 de Slunj à Zagreb

Julie me « croque » et son cadeau me touche. En retour je lui offre un de mes petits carnets fait main. C’est journée-cadeau on dirait : je me rends compte que des copines nous ont donné des sous sur notre cagnotte en ligne.

Allez, on redémarre direction Zagreb. Pas évident de se remettre dans une dynamique de découverte et de road trip après cette semaine en bateau et avec la perspective du retour. Rester ouvert sans se laisser figer par le décompte des jours qu’il nous reste…

L’atterrissage à Zagreb est très cool : on se pose au bord du lac Jarun, pile devant le skate-park dont Noé rêvait. Le stationnement coûte 10€ qu’on reste 1h ou 1 année. Ça laisse le temps d’improviser ! 

De mercredi 16 à lundi 21 Zagreb

Au final, on sera resté une semaine à Zagreb ! Au lac Jarun, les aménagements sont très conviviaux: pistes cyclables, baignades, skate-park, sculptures, aires de jeux, club d’aviron, de voile et de kayak, club de roller, barbecues, toilettes et robinets, le tramway pour le centre-ville tout près… Les habitants sont nombreux à profiter des infrastructures.  Alors bien sûr, on visite la ville: ambiance paisible, belles architectures, parcs verdoyants…  Mais aussi et surtout on prend notre temps pour écrire, respirer en solo à tour de rôle, faire des photos, du yoga, nager… Une belle pause pendant laquelle on a même imaginé quelle serait notre vie si on était expatrié ici: c’est vous dire si Zagreb nous a plu !

Un truc à visiter à Zagreb : le musée des illusions ! Avant de quitter Zagreb, nous faisons quelques courses alimentaires (Lidl, ses camemberts et ses baguettes… c’est industriel mais avouons-le, là ça nous réjouit) Nous trouvons une laverie pour ce qui pourrait être l’avant-dernière lessive du voyage. Nous voilà de nouveau sur la route, l’intérieur de Slowpy transformé en buanderie ! J’aimerais voir Zagreb de haut alors nous grimpons tant bien que mal sur les côtes environnantes. Dans la forêt, sur une  petite route où l’on ne peut pas se croiser, je distingue une boule en plein milieu de la chaussée. Je crois d’abord a un chien blessé mais quand je tire le frein à main, on se rend compte qu’il s’agit d’un faon. On  sait qu’il ne faut pas toucher les animaux sauvages mais si on le laisse là, la prochaine voiture va l’écraser. Alors on le porte sur le bas-côté et on le dépose sur les feuilles mortes. Il a l’air épuisé et déshydraté. Il accepte volontiers l’eau qu’on fait ruisseler vers sa bouche. On cherche un vétérinaire sur Google pour savoir quoi faire. On espère qu’on va nous proposer une prise en charge. Le premier m’oriente vers un autre vétérinaire qui lui m’oriente vers le vétérinaire du zoo de Zagreb spécialisé dans les animaux sauvages. Entre temps des Croates se sont arrêtés, ce qui aide bien pour les traductions ! On nous dit de laisser le faon où il est, que sa mère est probablement dans les parages et qu’elle reviendra. C’est vraiment poignant de le laisser là. Il se fait tard dans l’après-midi. Nous ne trouvons pas de vue sur Zagreb car la forêt est partout. Après avoir trouvé porte close à la forteresse deMedvedgrad, nous roulons en direction de Samobor, 25 km plus à l’Ouest. On se gare près de la piscine et on va demander à nos voisins si c’est ok de bivouaquer là : des artistes qui démontent leur chapiteau. On nous dit que le bivouac est toléré, parfait! Samobor est une petite ville assez austro-hongroise dans l’ambiance, traversée par une jolie rivière, avec un grand parc, un joli pont de bois couvert et une place de village très paisible avec ses maisons pastels et ses nombreuses terrasses. On est là pour goûter le kremsnite, une sorte de millefeuille très aérien. C’est effectivement succulent. On se balade encore un peu dans le parc. On y trouve une petite grotte qui abrite un autel. Noé, très affecté par notre rencontre avec le faon, dépose une prière pour lui. On termine la journée attablés au restaurant Gabreku 1929 réputé pour ses palacinke, sortes de crêpes. La patronne nous conseille judicieusement: « Prenez une palacinke pour deux, ca suffira » On est un peu étonnés… jusqu’à ce que ces fameuses crêpes nous soient servies: elles sont effectivement énormes !! Elles sont servies par deux, épaisses, roulées et panées. Le tout accompagné d’une succulente soupe aux champignons… Encore une mission gastronomique réussie !

Le lendemain, nous entrons en Slovénie pour quelques jours (je vous raconterai ça dans un prochain article)…. avant de revenir en Croatie pour visiter l’Istrie, ce que je raconte ci-après.

Acte 5 : En route pour l’Istrie

Le vendredi 25 mai, nous entrons à nouveau en Croatie pour aller à la source de la Kupa, rivière frontalière que nous suivons depuis 4 jours côté slovène. Nous prenons des toutes petites routes dans le Parc Naturel National de Risnjak. Le temps est à la pluie. Les balades sont compromises. Par hasard, on tombe sur un labyrinthe. Plus loin, on se gare à une entrée du Parc où des randonnées potentielles nous attirent. Mais c’est sans compter sur le tourisme à la Croate : il aurait fallu débourser 15 euros pour marcher 1 heure… On finit la journée au bord du lac Lokvarsko. maps.me nous indique un producteur de fraises bio, chic! A la faveur d’une éclaircie, on part explorer les environs. Point de fraises mais des belles vues sur le lac embrumé, ponton de bois, reflets des arbres sur l’eau limpide, gouttelettes d’eau accrochées aux feuilles…

Samedi 26 mai opatija cap kamenjak

Après moultes hésitations, on choisit de rejoindre la mer et le Cap Kamenjak en passant par Opatija. J’ai repéré une longue promenade sur le front de mer et motive mes troupes à pédaler. Il fait une chaleur pesante. On trouve à se garer tout en haut de la ville. La descente est rude entre les voitures et mes patins de frein disparus depuis trop longtemps. La promenade François Joseph est une belle récompense avec ses villas et ses baignades. On pique-nique à l’ombre et les garçons observent les crabes et les crevettes. Plus loin, on visite la villa Angiolina aux épatants trompe-l’oeil. Et enfin, après une bonne baignade, il est temps d’attaquer la remontée ! Nous qui étions tout propres et savonnés, nous voilà à nouveau bien collants de sueur… Impossible de bivouaquer ici. On pousse jusqu’au cap Kamenjak tout au bout de l’Istrie. On se cale sur un immense terrain vague avec soleil couchant en croisant les doigts pour que la police ne passe pas… 

Dimanche 26 kamenjak et Pula

Cool, on a passé la nuit sans se faire virer! 

Joseph nous présente le jeu qu’il a créé ces derniers mois et le teste avec Manu. Quelle fierté de le voir avancer dans ce super projet !

Moi je suis pressée d’aller explorer les environs à vélo ! Le Cap est une réserve naturelle très photogénique. On est assez étonnés de voir que moyennant finance, les voitures peuvent y entrer… Décidément, la conception de la protection de l’environnement est assez étrange en Croatie: encore un parc pas très naturel mais bien lucratif… On pédale de crique en crique jusqu’à se décider pour une baignade dans des falaises. On saute à l’eau, Joseph et moi nageons jusqu’à une grotte, on observe les poissons avec notre super masque panoramique. Et sur le chemin du retour, on étanche notre soif au Safari Bar : un bar fait de récup et d’ingéniosité où l’on peut se rafraichir à l’ombre des canisses sur des fauteuils en troncs d’arbre et où les enfants s’éclatent dans des jeux artisanaux. 

Nous terminons la journée à Pula, attirés par des grues illuminées la nuit. Ça n’est pas aussi beau que le guide le promettait… la ville est bruyante… on est fatigués, il fait chaud, ambiance globale plutôt ronchonchon…

Lundi 27 de Pila a Limski Kanal

Il fait déjà chaud de bon matin. On fuit la ville en rêvant d’un coin à l’ombre. C’est avec délice qu’on se pose sous des arbres près du bout d’un espèce de fjord : le Limsi Canal. Une famille de voyageurs avec qui on échange sur Internet depuis quelques temps nous rejoint. Les quatre garçons jouent toute la fin d’apres-midi et la soirée pendant qu’on discute entre adultes sans voir passer les heures. Thierry, Aurelia, Mirko et Anton font un tour d’Europe en 6 mois. Leur rythme est intense par rapport à nous mais ils y trouvent un bon équilibre. Les moustiques sont de la fête…

Mardi 29 du fjord au marais salant

On fait classe commune ce matin et on échange un peu les maîtresses. On s’inspire les uns des autres. Tous sont assez motivés pour vite retourner jouer ! Les copains redémarrent néanmoins sans trop tarder. On se décide à avancer un petit peu aussi et à profiter de la mer que nous ne reverrons pas beaucoup pendant la fin du voyage. Il fait toujours aussi chaud et lourd alors la baignade est un régal ! 

Nous quittons la Croatie à l’heure du coucher de soleil… Nous nous endormons en Slovénie !

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